Saigon

Retour à la ville, à la grande ville, après une bonne nuit de galère à l’aéroport : avion cloué au sol à cause du brouillard. 12h de retard, ça fait mal, mais quelque part ce genres d’aventures font aussi parti du voyage, et je crois même au final pouvoir dire que ça m’a plu. J’ai pu voir Hué dans la nuit, déserte, silencieuse (improbable), et fantomatique à cause du fameux brouillard, et voir également une chose rare : deux Vietnamiens se hurlant dessus. C’est un extrème rarement atteint dans la culture de la parole à l’asiatique, même dans un fort conflit il ne faut jamais humilier l’autre, toujours lui laisser une porte de sortie digne.

Arrivée vers midi, donc, à Ho Chi Minh ville que les Vietnamiens continuent d’appeler Saigon. Je retrouve les HA et nous nous mettons assez vite au travail, la semaine va être très intense, entre nos errances de recherches personnelles, les rencontres avec les élèves comédiens de l’université, et la découverte de la ville et sa vie.

Au programme pour moi : cartographie sonore de Saigon, visite de quartiers singuliers par leur environnement sonore avec (je l’espère tellement) une personne aveugle, prises de son au port sur la notion de départ, découverte de la musique vietnamienne dans toutes ses formes et ses usages (de la musique traditionnelle au Karaoké populaire), approche sonore de la cuisine avec des cuisiniers dans leur restaurant, récolte d’histoires….

Et en parlant de musique populaire :

La jeune fille (21 ans) qui chante fait partie de nos deux accompagnateurs/interprètes. Nous sommes dans un bar calme, à la lumière douce et au son écoutable, un luxe ici, d’habitude toutes les enceintes crachent une bouille sonore à la limite du supportable, et je parle de réelle douleur auditive. Deux bons musiciens sont là pour accompagner les personnes qui souhaitent chanter. C’est tout simple et très touchant à la fois, les Vietnamiens n’ont pas l’air de faire de la voix chantée une zone de pudeur…ils semblent alors libérer une émotion qui est d’habitude enfouie sous le masque social qui caractérise beaucoup de populations asiatiques. Et le romantisme à la Française (encore une interrogation qui s’ajoute à liste) est très à la mode. Dans ce bar il y a un bon nombre de femmes seules, qui viennent chanter devant la petite audience. Duy m’explique que la plupart sont célibataires et qu’elles profitent de leur lundi (journée creuse au Vietnam) pour s’amuser un peu. Mais elles semblent plus être ici pour le plaisir de la chanson que pour celui de la séduction, à part nous et les musiciens il n’y a d’ailleurs aucun autre homme. Une d’elle a une voix magnifique, la même que celle de Lhasa. Ici même Julio Iglesias prend une dimension inattendue, puissante et pénétrante… croyez moi, ça surprend.

Le temps se raccourcit pour moi et mes petites histoires risquent d’être un peu plus courtes à partir de demain, mais promis : un jour / un son !